"La réinvention ou la déroute"

Publié le par JLM

extrait de l'interview de Jean-Luc MELENCHON à Politis

...........Là où il n’y a pas de mouvement populaire, la gauche est en panne. Mais partout où l’implication populaire se réalise, on voit des chemins se tracer. Et partout est à l’ordre du jour l’émergence de forces politiques nouvelles. Même si le processus n’est pas linéaire.........

Ce qui se joue avec l’appel pour des candidatures unitaires antilibérales en 2007 est-il une des voies possibles de cette réinvention ?

C’est la contribution la plus importante et certainement la plus décisive qui puisse être apportée à la réinvention de la gauche. Certes, le terme « antilibéral » dans ce contexte me pose problème s’il vise à stigmatiser le PS. Ce serait absurde : le PS n’est pas un parti libéral. Si l’autre gauche, que j’appelle « la gauche des ruptures », va en désordre aux élections, elle sera laminée. Le vote utile trouvera, à juste titre, une raison de se concentrer sur le candidat socialiste. Bien sûr, l’ampleur du vote de gauche sera bien moindre, car le PS actuel ne sait pas entraîner à lui seul une majorité populaire mobilisée sur un programme. Dans cette situation, l’effet ne serait pas seulement électoral mais politique.
Si la gauche est absente du deuxième tour, la gauche des ruptures, en miettes, aura démontré la nocivité de ses divisions pour toute la gauche. Et elle aura fait la démonstration de son inutilité ! On aura un large vote socialiste, mais l’autre gauche sera anéantie politiquement. Comment empêcher alors la défaite ou le déplacement de l’axe du PS vers le centre ? Certains, à sa direction, ont déjà annoncé que tout était possible en ce domaine. C’est à la gauche des ruptures de mesurer sa responsabilité à l’égard de la gauche et du pays, et pas seulement à l’égard de chacune des tendances qui la constituent.

Cette responsabilité serait d’aller vers une candidature unique ?
L’intérêt général de la gauche est qu’il y ait, en même temps que la candidature socialiste, une candidature qui unifie la gauche de ruptures. Cela produirait plusieurs résultats : un ancrage de la gauche à gauche parce qu’il y aurait eu un rééquilibrage de celle-ci ; une nouvelle dynamique à gauche qui ne serait pas seulement la dynamique du vote utile. Sans nier son importance, le vote utile est pauvre en implication populaire ! C’est un vote de survie, un vote refuge pour l’opposition à la droite. Il ne contient pas de projet politique. En revanche, avec une gauche équilibrée, on ancre une dynamique positive plus large que les partis qui la constituent.

Comment vous détermineriez-vous si José Bové était ce candidat, ce qui est loin d’être le cas ?
Ou Marie-George Buffet ? Ou d’autres ? Je ne me pose pas cette question. Je travaille à ma place, avec mes amis de PRS, à faire avancer l’union sans exclusive de toute la gauche. J’ai compris que cela passe par la nécessité que le PS et l’autre gauche soient représentés chacun de façon efficace. C’est un travail positif sur des contenus. Pas une manœuvre d’appareil. Au PS, on en mesure les résultats sur des points essentiels comme l’alignement sur le rejet du traité constitutionnel européen ou le refus d’une resucée de ce texte. Mais je sais que rien n’est joué. On verra le moment venu. S’il vient.

Ce candidat unique pourrait-il venir des rangs des socialistes ?
Il y a des configurations qui pourraient y pousser.

Le « non » reste-il un marqueur important ou doit-il être dépassé ?
Par définition, il doit l’être, sinon on en resterait à une division de la gauche. Mais ce dépassement ne peut se faire que sur la base du « non ». Ce n’est pas simple. Pour en arriver aux formules précises du projet socialiste, il aura fallu un an. Mais, pour moi, la meilleure des garanties, c’est d’avoir autour de la table de discussion avec nos partenaires européens un président issu du « non » de gauche. Jusqu’au terme du processus, je vais mener cette bataille. Tout le monde comprend qu’elle est prioritaire. C’est ma part d’utilité au combat de la gauche en général.

Comment voyez-vous la candidature de Laurent Fabius ?
J’ai fait le choix de soutenir sa candidature sur une base politique. Il est le seul candidat issu du « non » de gauche au PS. Il a mis ses propositions politiques en ligne avec ce vote, notamment sur le combat contre la mondialisation libérale et l’affirmation d’une stratégie d’alliance claire. Lui a tenu, en socialiste, le contrat politique qu’il avait pris avec les tenants du « non ».

Propos recueillis par Denis Sieffert et Michel Soudais paru  le jeudi 22 juin 2006.

Publié dans PRS

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